Aigues-Marines du Courage 1 (Chroniques des Pierres Précieuses 3) ebook French Translation
"Le courage est comme une pierre précieuse taillée : de multiples facettes, chacune plus surprenante que l'autre." – Le Collectionneur
Nico échappe à son destin d’héritier de l’empire de sa riche famille pour suivre sa véritable vocation : découvrir d’anciens artefacts. En tant que chasseur de trésors, il vit pour l’aventure et la recherche d’objets perdus, repérant leurs emplacements probables, espérant pouvoir les récupérer. Quand il trouve un mystérieux étranger échoué sur sa plage, il est très intrigué et plus que prêt à l’aider à retrouver les Aigues-Marines du Courage. Cette quête promet d’être sa plus grande aventure.
Nayder doit se plier à la tradition familiale et trouver son âme-partenaire pour devenir le stabilisateur en chef sur N’Tyre, afin de s’assurer que l’eau et la terre soient parfaitement équilibrés. Toute la culture de N’Tyre dépend du maintien de la terre que leur patrimoine sous-marin leur a récemment permis d’acquérir. Seulement, il y a un problème : son père attend de lui qu’il soit associé à une femme et qu’ils aient des enfants. Nayder a des idées bien différentes et pense qu’il peut faire son travail sans âme-partenaire. Défiant les ordres de son père, il tente plutôt de récupérer les Aigues-Marines du Courage par lui-même.
Cependant, le destin a d’autres projets. Nayder est envoyé sur Terre pour découvrir que Nico est peut-être son âme-partenaire. Mais c’est seulement lorsqu’ils auront retrouvé les Aigues-Marines du Courage qu’ils sauront vraiment s’ils sont destinés l'un à l'autre…
Pages: 185
Words: 57000
Heat Index:
Cover Artist: Allison Cassatta
Translator: Bénédicte Girault
Book Type: E-Book
CHAPITRE 1
— Bien sûr que je peux le faire !
Nayder al Galimey baissa les yeux vers le bas de la falaise, une fois de plus. L’océan paraissait assez sauvage aujourd’hui. La surface, habituellement calme, et les eaux à la clarté cristalline d’un bleu vert permettant à un observateur de voir le fond de la mer à des mètres sous l’eau, n’existait plus. À la place, il y avait un déferlement continu de vagues de plusieurs mètres de haut qui percutaient les rochers avec suffisamment de force et de bruit pour effrayer toute personne saine d’esprit et renoncer à l’idée de plonger pour explorer une grotte sous-marine. Cette mer agitée, les courants contraires qui traversaient cette baie et les vents qui fouettaient l’endroit étaient les plus forts subis par N’Tyre et qu’il avait vus récemment. Cela correspondait parfaitement à la tourmente et à la douleur qu’il ressentait au fond de son cœur. Il n’avait trouvé aucun moyen d’extérioriser sa peine, alors il avait décidé de se distraire.
— Tu es fou !
Farys, l’un de ses deux amis d’enfance les plus proches avait déjà fait un pas en arrière, refusant manifestement de relever le défi. Il secoua la tête comme pour s’assurer que personne ne pourrait mal interpréter ses réflexions sur la question.
— C’est un risque stupide.
Ramiel, toujours debout au bord de la falaise baissa les yeux vers l’eau.
— Cet endroit n’est tout simplement pas assez élevé.
— Je pense que tout ira bien.
Nayder enleva ses vêtements et se tint juste au bord de la falaise. Il prit une profonde inspiration. C’est ce dont j’ai besoin. Totalement concentré sur l’instant présent, sur le besoin d’accomplir le changement avant qu’il touche l’eau. Une situation suffisamment dangereuse pour le faire tout oublier.
— Nayder, allez, sois raisonnable !
Ramiel releva les yeux, mais refusa obstinément de reculer. Il n’avait pas l’air très heureux alors qu’il passait sa main dans ses longs cheveux bruns.
— Tu n’auras pas assez de temps pour te transformer et avec l’eau dans l’état où elle est, tu cours le risque de graves blessures.
Farys continuait juste à secouer sa tête, ses courts cheveux blonds sautillants comme un groupe de dauphins jouant au soleil.
— Vous avez juste à attendre et à regarder.
Nayder ferma les yeux et se concentra sur son triton intérieur. Il était juste là, comme d’habitude, attendant simplement de sortir et de jouer.
— Nayder, s’il te plaît, ne fait pas ça !
Ramiel semblait vraiment inquiet.
— Je dois le faire. J’ai besoin de me sentir vivant.
Nayder regarda son ami et sourit.
— Et je sais que je peux le faire.
— Peut-être.
Ramiel secoua la tête, imitant Farys en cela et recula du bord de la falaise.
— Mais je pense toujours que c’est un risque stupide à prendre.
Nayder haussa les épaules. Ramiel avait raison, mais cela ne l’empêcherait pas de sauter, acceptant le défi de se transformer de bipède en triton en l’espace de quelques secondes. Il l’avait déjà fait auparavant et il pouvait le refaire. Cela demandait juste une bonne motivation et beaucoup de concentration pour arriver à ses fins : une distraction qui l’empêcherait de courir dans tous les sens en se tenant la tête comme un mouton dément, laissant tomber tous les autres dans sa hâte de n’aller nulle part.
Il prit une autre profonde inspiration et se tourna face à l’océan, ajustant sa position jusqu’à ce qu’elle soit parfaite. Les orteils posés au bord de la falaise, il leva les bras en hommage séculaire au soleil avant de tendre ses mains et s’apprêter à sauter.
L’adrénaline envahit son corps et il sauta. Avec le vent dans ses cheveux, caressant sa peau nue, il s’imaginait déjà sous l’eau. Dans les quelques secondes de gravité qu’il avait, il perdit ses jambes et une énorme queue ressemblant à celle d’un poisson, couverte d’écailles d’un vert sombre les remplaça. Il sentit à peine le vent sur son corps alors qu’il chutait vers la surface d’eau salée, recouverte d’embruns.
À la dernière seconde, juste avant l’impact, il ferma les yeux et se concentra sur l’apparition de ses branchies, ajustant ses rétines à sa vision sous-marine.
Il toucha l’eau dans un splash énorme et tout son corps vibra sous la force de l’impact. Sa plongée dans le liquide glacé, sans le poids de son corps terrestre, celui d’un bipède peu adapté pour la natation, lui donna l’impression de rentrer à la maison. Sa maison ancestrale pour être exact.
Les turbulences du littoral ne l’affectèrent que quelques instants. D’un puissant coup de queue, il se tourna vers la vaste étendue de l’océan. Il ouvrit les yeux et prit ses premières inspirations sous l’eau depuis des mois. Certains disaient que retourner à la mer de cette façon était dangereux, qu’il ne faisait qu’encourager le côté sauvage des N’Tyrians. Son père n’approuverait certainement pas ses « aventures aquatiques » comme il les appelait.
Tout ce que Nayder voyait était la beauté du monde sous-marin qui l’entourait maintenant. Des bancs de poissons colorés nageaient vers le récif de corail sur sa droite, grouillant de vie, sans le moindre requin-garou en vue. Non pas que cela importait, il était plus que capable de se défendre contre n’importe lequel d’entre eux et l’avait prouvé à plus d’une occasion. Mais il avait envie que sa petite excursion soit tranquille, sereine et paisible. Le rouge et le bleu des anémones semblaient lui faire signe alors qu’il nageait et il sourit tandis qu’il accélérait, s’enfonçant plus loin, laissant derrière lui la terre et ses pensées troublées.
C’est un bon jour pour être un triton !
***
Nayder fit de son mieux pour ne pas montrer sa colère d’avoir été appelé dans le bureau du devin officiel comme s’il était un écolier turbulent. Il n’y avait pas eu de demande de réunion, pas de prise en compte acceptée qu’il puisse avoir d’autres projets. Non pas qu’il en ait eu, mais c’était sur le principe de la chose.
Avec ses hormones et son excitation d’avoir passé la journée dans l’océan courant toujours dans ses veines, cela lui demanda chaque once de contrôle qu’il avait pour ne pas froncer les sourcils devant la vieille voyante une fois qu’il entra dans la salle richement décorée, utilisée pour recevoir le public.
Du marbre recouvrait toute la surface disponible, des rideaux épais encadraient les fenêtres allant du sol au plafond, offrant une vue imprenable sur l’océan sur deux pans de murs et le sol était recouvert d’une épaisse couche de sable.
Ishara était assise dans un confortable fauteuil près de la cheminée faite d’une dalle provenant d’un bloc géant de marbre vert.
Le père de Nayder était assis à côté d’elle avec une expression si sérieuse que cela le choqua un peu, mais il réussit à la dissimuler alors qu’il s’asseyait sur une chaise nettement moins richement décorée, clairement déposée là pour lui.
— Je te remercie d’avoir répondu à mon appel.
Ishara, la plus vieille voyante vivante sur N’Tyre, inclina la tête en guise de salutation polie. Ses déclarations avaient pratiquement force de loi et si quelqu’un gouvernait la planète, c’était bien Ishara. Elle portait ses longs cheveux blancs en un chignon serré et il n’y avait pas un seul pli de sa robe officielle qui ne semblait pas à sa place.
Comme si j’avais le choix !
Il hocha la tête avec attention.
— Je t’ai fait appeler ici pour t’informer que ton nouveau rôle nécessite que tu trouves immédiatement ton âme-partenaire.
L’expression du visage d’Ishara ne changea pas, mais ses yeux marron foncé montraient clairement l’urgence.
— Vous voulez que je fasse quoi ?
Nayder prit une profonde inspiration, s’adossa à sa chaise et se concentra pour ne pas montrer sa colère. C’était donc pour ça qu’ils l’avaient fait appeler ?
La rage qu’il ressentait était loin de décrire ses sentiments. Mais il n’allait pas donner à son père ou à Ishara la satisfaction de révéler ses véritables émotions.
— Je suis parfaitement capable de faire mon travail de stabilisateur en chef et de rester célibataire.
— Le sort de notre civilisation et l’existence même de l’ensemble de notre planète sous sa forme actuelle dépendent du maintien de l’équilibre. Si l’eau et la terre ne sont pas au même niveau, nous serons condamnés à retourner à la mer et de perdre toute une partie de notre culture, de nos technologies qui ont besoin de la terre pour exister. Tu le sais.
Son père le regardait comme s’il était disposé à lui faire la leçon.
— Bien sûr, Père, vous me l’avez inculqué depuis que j’ai cinq ans. Même les personnes extérieures à notre famille l’apprennent à l’école.
Nayder leva pratiquement les yeux au ciel.
— Mais personne n’a jamais dit que je devais être associé pour faire ce travail.
— Nous ne l’avons jamais mentionné parce qu’aucun d’entre nous n’avait envisagé que tu aurais besoin de prendre le relais de tes parents avant une bonne vingtaine d’années. D’ici là, tu aurais certainement trouvé ton partenaire destiné.
Ishara eut la décence d’avoir l’air désolé lorsqu’elle se renfonça dans les coussins recouverts de soies colorées posés à l’arrière de sa chaise.
— Néanmoins, maintenant, nous nous trouvons confrontés au décès de la paire stabilisatrice, chargée de préserver l’équilibre et nous sommes forcés d’agir, de manière urgente, car la loi est très claire sur ce qui doit se passer.
— Juste parce que je suis un homme…
Nayder voulait étrangler Ishara, même si elle était la voyante la plus respectée de N’Tyre. Pour recouvrer son calme, il regarda les belles peintures murales ornant les murs de la pièce. Habituellement, les scènes sous-marines colorées relatant l’histoire du passé lointain des N’Tyrians en tant que pures créatures marines jusqu’à présent avaient un effet calmant sur lui. Pas aujourd’hui.
— Ce n’est pas la raison et tu le sais.
La voix de son père paraissait plus forte que la normale, même si l’ancien stabilisateur en chef gardait un visage impassible. Se contrôler par-dessus tout, même dans les situations les plus émotionnelles, était typique de son père.
— Vraiment ?
Nayder tourna la tête et le regarda. Il était âgé de vingt-trois saisons et assez vieux pour que personne n’ait besoin de lui dire comment vivre sa vie. Il ne pouvait pas lier son âme avec une femme.
Il n’avait jamais ressenti une quelconque attirance pour une femme de sa vie, ce qu’il avait soigneusement caché jusqu’à présent.
Le destin pouvait-il se montrer si cruel et faire que son âme-partenaire soit une femme ? Ou cela s’avèrerait-il être un homme, chose inouïe et inédite dans sa famille dont la généalogie remontrait jusqu’à l’époque de la Reine N’Talia la Première ? Son « aberration » serait-elle révélée lorsque cela s’avèrerait impossible de trouver sa partenaire si nécessaire dans les personnes de sexe opposé ? Il avait besoin de perpétuer sa lignée familiale, de transmettre les précieux gènes qui donnaient aux stabilisateurs les capacités spéciales nécessaires au maintien de l’équilibre. Avoir un autre homme comme âme-partenaire ne serait probablement pas accepté, même si cela s’avérait être possible.
— Non, mon fils, le fait que tu sois un homme n’a rien à voir avec cela. Nous savons tous que les hommes sont tout aussi capables que les femmes. Nous ne sommes plus les sauvages que nous étions lorsque nous vivions encore exclusivement sous l’eau. Nous avons beaucoup d’hommes parfaitement capables, même chez les stabilisateurs depuis que la Reine N’Talia la Première nous a apporté l’Illumination, permettant à ceux de notre espèce de vivre sur la terre, ainsi que dans la mer.
Son père pinça l’arête de son nez avant de le regarder à nouveau.
— La raison pour laquelle tu dois trouver ton âme-partenaire avant que tu puisses partir à la recherche des Aigues-Marines du Courage volées, est qu’elles ne reconnaîtront qu’une paire de stabilisateurs associés, comme étant légitime. Pourquoi penses-tu que celui qui les a volées dans l’archipel ait pu le faire qu’après le décès de ta mère ?
Les paroles de son père s’engouffrèrent dans son âme, aussi tranchantes que des éclats de corail brisés. Il retomba sur sa chaise, incapable de penser ou de parler pendant un moment. La douleur lancinante qu’il ressentait revint avec force à l’évocation de la mort de sa mère, si vite et avec une telle intensité qu’elle l’aveugla pratiquement.
Les questions qu’il s’était posées à maintes et maintes reprises durant la semaine qui avait suivi « l’accident » revinrent également à son esprit. Pourquoi sa mère était-elle partie de manière imprévue pour entreprendre ce voyage vers la ville sous-marine de Taloth ? Pourquoi avait-elle voyagé sous sa forme de sirène, plus vulnérable, plutôt que d’utiliser l’un des véhicules sous-marins modernes qui offraient plus de protection ? Pourquoi n’avait-elle pris que deux gardes ?
D’où venaient ces requins-garous rebelles qui avaient littéralement déchiqueté les trois N’Tyrians, les interceptant alors qu’ils revenaient des profondeurs de l’océan ?
Tout cela semblait trop bien orchestré pour n’être qu’une simple coïncidence. L’enquête officielle était toujours en cours, mais les détectives en charge avaient déjà avertis qu’ils pourraient très bien ne jamais trouver ce qui s’était réellement passé. Nayder secoua la tête, essayant de repousser sa douleur de son esprit, là où il pourrait presque la supporter. Il n’avait pas de temps pour pleurer pour l’instant.
Il devait se concentrer sur sa tâche : retrouver et ramener les Aigues-Marines du Courage.
Elles étaient bien plus qu’un symbole. Elles dataient de l’époque de la Reine N’Talia la Première et leur présence dans la grotte de N’Talia était nécessaire pour soutenir et concentrer les pouvoirs psychiques des stabilisateurs.
Il n’avait pas de temps à perdre à rechercher son âme-partenaire.
Il était très bien tout seul et ne voulait absolument pas qu’une femme s’immisce dans sa vie personnelle et il ne pouvait pas prendre le risque d’endurer l’indignation potentielle du public en s’affichant avec un partenaire masculin.
Nayder devait faire comprendre à son père combien c’était irrationnel. L’homme avait perdu son âme-partenaire, la femme qu’il aimait de tout son cœur. La douleur avait probablement eu raison de lui, le rendant sensible aux histoires mystiques.
— Vous croyez donc que les Aigues-Marines ont disparu parce que vous n’avez plus de partenaire ?
Nayder se redressa afin de se concentrer sur la discussion.
— Non, bien sûr que non.
Son père se frotta les tempes, comme s’il souffrait.
— Quelqu’un ou quelque chose les a pris. Mais cela n’a été possible que parce qu’ils ne sont plus liés à N’Tyre via une paire de stabilisateurs.
— Nous avons donc besoin qu’une nouvelle paire soit mise en place avant de tenter de récupérer les pierres, dit Ishara se pencha en avant.
— Et pourquoi personne n’a jamais entendu parler de cette soi-disant exigence ?
Peut-être était-ce la vieille voyante qui avait organisé tout ça ?
— Pourquoi aurait-on besoin de le savoir ? demanda Ishara en secouant la tête.
— Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas portées à la connaissance du public.
— La véritable raison est que cela peut nous rendre vulnérables.
Soudain, le père de Nayder avait l’air impérieux, comme il l’était lors de fonctions officielles.
— Peux-tu imaginer ce qui pourrait se passer si quelqu’un qui n’était pas d’accord avec la manière dont les choses sont gérées découvrait qu’il y a un moyen de supprimer les Aigues-Marines du Courage ? Il pourrait faire du chantage et terroriser toute la planète.
Nayder soupira. Toutes les histoires, et c’était certainement tout ce qu’elles étaient, affirmaient que les forces des ténèbres avaient été vaincues. Comment pourraient-elles représenter un danger quelconque maintenant, des siècles plus tard ? Puisque la référence aux lois anciennes semblait importante pour son père et la vieille voyante, ils n’allaient certainement pas abandonner leur demande concernant son partenariat. Il était si fatigué de se disputer.
Peut-être serait-il mieux qu’il fasse semblant de céder, afin qu’il puisse les empêcher d’être tout le temps sur son dos. Ainsi, il serait capable de se concentrer pour trouver un moyen de récupérer les Aigues-Marines.
— Alors, comment proposez-vous que je trouve mon âme-partenaire dans un laps de temps aussi court ? Et pas n’importe qui, je présume ? Vous voulez que je trouve quelqu’un de « convenable » ?
Nayder savait que ce qu’ils considéraient comme « acceptable » serait très différent de ce qu’il pourrait vouloir – et ça commençait par le sexe de la personne et finissait probablement avec la façon dont ladite personne devait être instruite et riche.
— Nayder, tu sais que tu n’as qu’une seule véritable âme-partenaire ! Bien sûr qu’elle sera adaptée !
Ishara le regarda, les yeux sombres et étincelants dans ce qui lui semblait être étrangement proche d’un défi.
— Comment saurais-je qui elle est ?
Ça lui était difficile de faire semblant d’être intéressé par quelque chose dont il ne voulait pas vraiment. Le pronom à lui seul le fit devenir un peu nauséeux, bien que l’idée d’être lié à une seule personne pour le reste de sa vie ne le dérange pas.
— De la même manière que tous les membres du clan Galimey l’ont toujours fait, depuis l’époque de la Reine N’Talia.
Ishara haussa les sourcils et le regarda comme s’il était stupide.
— Et c’est ?
Nayder était en train de perdre patience avec toutes ces indications mystérieuses. Il voulait passer à autre chose.
— Ton grain de beauté bien sûr ! dit-elle, d’un air triomphant.
— Ma tache de naissance ? En quoi a-t-elle quelque chose à voir avec tout ça ?
Il portait une petite marque couleur aigue-marine, en forme de fontaine, juste au-dessus du cœur. Cela l’avait souvent contrarié parce qu’elle était si visible à chaque fois qu’il allait nager.
— Tu ne te souviens pas de ce qu’elle symbolise ?
Son père fronça les sourcils.
— Bien sûr que je m’en souviens !
Il n’avait tout simplement pas fait le lien avec le fait de trouver un partenaire.
— Mère et toi, vous m’avez dit que c’était le symbole de la Fontaine du Courage et que tous les membres en ligne directe des stabilisateurs Galimey en avaient une.
— Ne t’es-tu jamais demandé pourquoi ta mère et moi portions cette marque alors que je suis un Galimey de naissance ?
Son regard devint intense.
— Quoi ?
Pendant un instant, Nayder ne put respirer. C’était vraiment bizarre.
— Non, je n’ai jamais réfléchi à ce sujet. Donc, pourquoi avait-elle également cette marque de naissance ?
— Parce qu’elle était ma véritable âme-partenaire, répondit son père sans cesser de le regarder.
— Hein ?
Nayder dévisagea son père et Ishara, passant de l’un à l’autre, espérant une explication complémentaire. Il semblait qu’il allait devoir la demander.
— Ça n’explique rien du tout. C’est juste bizarre.
— Mon enfant, il y a des choses dans cet univers qui ne peuvent pas être expliquées par la logique, dit Ishara en riant. C’est l’une d’entre elles. Depuis l’époque de la Reine N’Talia, tous les membres de la famille Galimey portent cette marque de naissance, ainsi que leurs véritables compagnons.
— D’accord, si c’est le cas, où est ma véritable compagne ?
Il les dévisagea l’un après l’autre.
— Elle a certainement dû se faire connaître maintenant, non ?
— Nayder ! Ne te montre pas impoli ! dit son père en fronçant les sourcils. Mais tu as raison, nous aurions dû l’avoir trouvée maintenant. Ce n’est pas comme si nous ne l’avions pas cherchée.
— Vous avez essayé de la trouver ? Sans même m’en parler ?
La question lui semblait superflue. Ils avaient agi dans son dos depuis des années peut-être.
— Vous me l’auriez simplement présentée un beau jour en me disant que je devais en faire ma partenaire ?
— Pourquoi es-tu si énervé ?
Son père avait l’air perplexe.
— Elle sera l’élue pour toi. Tu voudras être son partenaire.
— Peu importe !
Il n’allait nulle part avec ça. Il avait besoin de revenir à son plan.
— Donc, si vous ne l’avez pas trouvée, comment savez-vous même si elle existe ? Et si c’est le cas, comment vais-je la trouver alors que vous n’avez pas réussi à le faire ?
— Oh, elle existe ! Ma vision l’a confirmé.
Ishara arbora soudain une expression très supérieure sur son visage.
— Bien que je n’aie pas pu voir les détails quant à l’endroit où elle est, je suppose que c’est parce qu’elle se trouve sur une version différente de N’Tyre. Dans une dimension parallèle. C’est pourquoi tu dois aller à sa rencontre et l’amener ici.
— Pardon ? Dans une autre dimension ?
La vieille femme avait définitivement perdu l’esprit. Il se tourna vers son père pour chercher de l’aide.
— Ne me demande pas d’explications, dit-il en haussant les épaules. Je ne comprends pas plus que toi. Mais je crois qu’Ishara a raison et que tu devrais y aller, peu importe où cette dimension se trouve et la chercher.
— Et comment je vais faire ça ?
Mieux valait ne pas les contrarier. S’il le faisait, il perdrait encore plus de temps.
— C’est un ancien rituel magique qui sera capable de te faire voyager à travers différentes dimensions, jusqu’à celle où tu dois aller.
Elle tira deux boules de cristal des plis de sa robe de voyante.
— En fait, tu vas l’utiliser pour trouver ta véritable âme-partenaire. Une fois que tu l’auras revendiquée, tous les deux, vous serez capables de retrouver les Aigues-Marines du Courage, qui ne sont plus dans cette dimension non plus.
Nayder regarda les deux boules de cristal. Leur surface brillait de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel avec des reflets opalescents qui lui firent plisser les yeux sous la luminosité.
La vieille voyante posa l’une des sphères sur la table. Elle était environ de la taille de deux poings d’homme. Des vagues de couleurs ondulaient sur sa surface, ce qui lui donnait l’air presque vivant. Un sentiment de paix et de bonheur envahit Nayder et il voulait se rapprocher pour essayer de la capturer. Il leva une main et tendit le bras.
Tandis que les vagues tourbillonnantes à sa surface l’attiraient en elle, il eut du mal à se reprendre. Que se passait-il ? Il ramena son attention vers la réalité. Qu’avait dit la vieille voyante ?
— Vous avez dit que les Aigues-Marines du Courage n’étaient plus dans cette dimension. Comment le savez-vous ?
Nayder eut du mal à détourner les yeux de la boule de cristal fascinante.
— Oh, attendez ! Laissez-moi deviner ! Une autre vision ?
— Tu n’y crois peut-être pas pour l’instant, mais tu le feras bientôt !
Ishara sourit, prenant un air énigmatique.
— Tout ce que tu as besoin de faire est d’essayer.
D’essayer ? Voyager à travers différentes dimensions en utilisant une boule de cristal était impossible, n’est-ce pas ? Il prit une profonde inspiration. Il n’avait qu’à suivre leurs instructions pour leur prouver qu’ils avaient tort. La réalité se chargerait de leur faire comprendre. Alors, il pourrait se rendre à la grotte de N’Talia pour commencer à poursuivre les voleurs.
— Que voulez-vous que je fasse ? demanda-t-il en regardant Ishara, se demandant ce que la vieille voyante allait dire quand son rituel ne marcherait pas.
— Tout d’abord, je veux que tu prennes cette seconde boule de cristal.
Ishara la tint et Nayder la vit tirer un bracelet en or de l’une de ses nombreuses poches. Il était d’une forme sphérique, surmonté d’un sertissage vide. Elle posa le cristal dans le filigrane fin et le sertissage l’accepta et se referma dans un petit claquement.
— Mets ça autour de ton poignet et garde-le tout le temps avec toi. Il te permettra de revenir à la maison avec ton âme-partenaire et les Aigues Marines du Courage, une fois que vous aurez terminé votre quête. Votre voyage de retour fonctionnera de la même manière qu’à l’aller.
Nayder prit le bracelet et le passa autour de son poignet. Il avait l’impression bizarre qu’il était là où il devait être. Dommage qu’il lui faille le rendre dans quelques minutes, lorsque toute cette histoire de rituel mystique s’avèrerait n’être qu’un canular.
— Ensuite, je veux que tu poses tes mains sur la boule de cristal.
Ishara guida les mains de Nayder qui fut surpris de sentir une surface chaude.
— Maintenant, détends-toi simplement et concentre-toi sur la recherche de ta véritable âme-partenaire. Éloigne toute autre pensée, il te suffit de penser à ton besoin de la trouver. La boule de cristal te guidera vers elle.
Ishara retira ses mains et se rassit.
Nayder regarda son père. Il hocha la tête, comme s’il lui disait de faire avec. Incroyable ! L’homme avait l’air de croire que ça allait marcher. Oh, eh bien, il ferait mieux d’avoir l’air de croire qu’il essayait réellement.
Mais il n’allait certainement pas penser à sa supposée âme-partenaire. Juste au cas où le rituel marcherait, il préférait que la boule le conduise directement aux Aigues Marine du Courage à la place. Ishara avait dit qu’elle allait le conduire là où il avait le plus besoin d’aller. Et ce n’était certainement pas auprès de son âme-partenaire.
Il regarda fixement le cristal. Il était toujours aussi lisse, mais la chaleur augmenta contre sa peau. Alors qu’il semblait plonger en lui, les couleurs commencèrent à tourbillonner de plus en plus vite. Elles l’engloutirent comme un fort courant ou un tourbillon pourrait le faire, juste avant de l’aspirer dans une partie plus profonde de l’océan. Une musique douce résonna comme si elle venait de loin et une délicieuse odeur musquée semblait l’entourer dans un nuage de bonheur absolu. Lentement, la réalité disparut et le brouillard coloré l’attira à l’intérieur et le fit avancer.
©Serena Yates, 2015
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